Carolyn Carlson : « Je cherche toujours le miracle
Carolyn Carlson, l’une des plus grandes personnalités internationales de la danse contemporaine, présentait en clôture du festival « Cadences d’Arcachon », mercredi 26 septembre, « Inanna », une chorégraphie pour sept interprètes créée en 2005. Danseuse de légende, chorégraphe étoile à l’Opéra de Paris dès 1974, et auteur de plus de 90 créations, cette grande dame, désormais directrice du Centre Chorégraphique National Roubaix Nord-Pas de Calais, partage ses sentiments avec enthousiasme.
Bordeaux Madame. La double évocation de Francesca Woodman, une icône féminine de la photographie et d’Inanna, une déesse sumérienne n’est pas fortuite.
Carolyn Carlson. J’avais découvert le travail de Francesca Woodman il y a très longtemps à New York. Cette artiste, qui s’est suicidée à 23 ans, a réalisé des photographies incroyables concernant les femmes. Les vêtements portés par les danseuses lors de la chorégraphie sont inspirés de ceux que l’on voit sur ses clichés. Elle souffrait beaucoup, alors que personne ne la comprenait, exprimant sa féminité avec une part d’instinct et une passion des femmes.
Son œuvre, composée de nombreux autoportraits, est parfois dure mais se révèle un hommage à la souffrance des femmes. C’est une très grande. Tragique. Inanna, qui était une déesse multiformes est, pour moi, également une femme actuelle, représentant simultanément la force et la douleur. Chaque individu, chaque femme, possède mille visages. Je travaille sur le thème de la femme qui souffre… la femme au présent.
BM. Pourquoi le choix du compositeur Armand Amar pour la musique de cette création ?
Carolyn Carlson. J e connaissais Armand Amar, qui est un chercheur très attentif aux passions de l’être humain. C’est pourquoi, j’ai pensé qu’il était la personne idéale pour cette composition originale.
BM. Qu’attendiez-vous des danseuses que vous avez dirigées dans le cadre de « Inanna » ? Leur avez-vous octroyé une part de liberté?
Carolyn Carlson. Oui, nous avons travaillé durant deux mois sous la forme d’une improvisation organisée. C’est toujours une grande recherche. J’exprime des idées dont les danseuses s’inspirent pour créer. Par exemple, je donne l’image d’une femme qui ne respire pas. Chaque interprète doit m’exprimer son impression, son ressenti de la souffrance de la respiration. J’écris aussi ce que j’aime, ce que je peux découvrir. Une danseuse qui réalisait des sauts magnifiques m’a inspiré pour créer un solo. Je demande à chaque femme ce qu’est une femme…Vous me posez de nombreuses questions, vous écrivez…Vous savez : Mick Jagger dit « What you see is what you get » Je peux répondre à vos interrogations, mais vous devez voir le spectacle. Chacun est différent et la perception est primordiale.
BM. Recherchez-vous toujours le geste unique comme Miles Davis était en quête d’« une note » ?
Carolyn Carlson. Toujours , je revendiquerai cette image. On peut lever mille fois un bras dans l’espace mais on peut également réaliser ce geste pour la première fois. Etre unique. Je cherche toujours le miracle même de lever un bras.
Propos recueillis par Stéphane Saubole
Photographies de Christian Visticot